Le président algérien Abdelaziz Bouteflika démissionnera « avant le 28 avril prochain », date de l’expiration de son mandat, a annoncé dans un communiqué la présidence de la République lundi 1er avril. Le chef de l’État devrait prendre auparavant des « mesures pour assurer la continuité du fonctionnement des institutions de l’État durant la période de transition », ajoute le communiqué.
C’est par un communiqué de la présidence algérienne que la nouvelle est arrivée lundi en fin d’après-midi : le président Abdelaziz Bouteflika démissionnera « avant le 28 avril prochain », date d’expiration de son mandat.
Selon le communiqué officiel diffusé sous forme de bandeau sur les chaînes nationales algériennes, avant de démissionner, Abdelaziz Bouteflika veut « assurer la continuité du fonctionnement des institutions de l’État » pendant la période de transition. Il va donc prendre une série de mesures. Cette période de transition qu’il avait annoncée début mars, lorsqu’il avait renoncé à un cinquième mandat, est une période qui mènera à une révision de la Constitution.
Le départ du président était une demande des manifestants. Ils l’obtiennent après presque six semaines de manifestations mais beaucoup reste à faire. D’abord, il reste encore un mois avant le 28 avril. Ensuite, il ne faut pas oublier que les Algériens demandaient aussi un changement de système politique. Les réactions à cette annonce risquent donc d’être mitigées. D’ailleurs, les deux hommes qui devraient gérer la transition après la démission du président – le président du Conseil de la nation et le président du Conseil constitutionnel – sont des proches du chef de l’État.
Le slogan des manifestations, c’est : « Il faut tous qu’ils partent ». Et, dans ce contexte-là, cette annonce n’est, aux yeux des manifestants, qu’un premier pas.
Cette démission, c’est aussi ce que demandait un certain nombre de proches du président dont Ahmed Ouyahia, l’homme qui était à la tête du gouvernement jusqu’au 11 mars dernier. L’armée, elle, évoquait l’article 102 de la Constitution qui permet au Conseil constitutionnel de se réunir pour déclarer l’état d’empêchement du président en cas de maladie grave.
Par ailleurs, des organisations qui avaient toujours soutenu le chef de l’État, comme le patronat ou des organisations liées aux anciens combattants, avaient déclaré qu’elles soutenaient le mouvement populaire.
Pour Brahim Mansour, chercheur à l’Institut des relations internationales et stratégiques, la démission programmée d’Abdelaziz Bouteflika est une sortie honorable au milieu de cette crise.
Mais si la démission d’Abdelaziz Bouteflika est actée, elle n’est pas assortie d’une date précise. Aucun détail non plus sur ces décisions importantes qui devraient être prises prochainement pour assurer la continuité de l’État, six ans après le début du débat sur l’incapacité du président à assurer ses fonctions et plus d’un mois après le début de la contestation populaire qui réclame le départ d’Abdelaziz Bouteflika, 82 ans, au pouvoir depuis 1999. La présidence s’est limitée à une date butoir. Résultat : suspicion et incrédulité se relayaient lundi soir dans la population, d’autant plus que certaines chaînes privées ont tenté de démentir cette démission.
Pourquoi garder ce flou, à moins d’un mois de la fin irrévocable de son mandat ? Ne pas donner de date serait une façon de gagner du temps, ne serait-ce que quelques semaines pour s’organiser. Mais une nouvelle fois, cette annonce du pouvoir risque donc de rater sa cible : apaiser la rue.
Six semaines de manifestations qui ont fait vaciller Bouteflika
L’annonce de la candidature de Abdelaziz Bouteflika devait être une simple formalité ; elle a déclenché une fronde.
Les premiers rassemblements spontanés éclatent le 16 février, une semaine après l’annonce de la candidature de M. Bouteflika. Le vendredi suivant, plusieurs milliers de personnes répondent à des appels sur les réseaux sociaux. La mobilisation est importante, le pouvoir est surpris et ne dit mot, mais les manifestations s’enchaînent. Avocats, étudiants…. il y a un effet boule de neige.
Acculées, les autorités sortent de leur silence, le 2 mars, et tentent de contenter les revendications. Le directeur de campagne, Abdelmalek Selall, est limogé et remplacé, mais rien n’y fait. Le lendemain, dans une lettre lue à la télévision nationale, le président Bouteflika s’engage, s’il est élu, à ne pas aller au bout de son mandat et à se retirer, à l’issue d’une présidentielle anticipée. En vain.
Chaque vendredi devient synonyme de rendez-vous populaires et pacifistes. Hommes, femmes, toutes générations confondues battent le macadam.
Face à la pression de la rue, le pouvoir lâche progressivement du lest le 11 mars dernier. Le chef de l’Etat renonce à briguer un cinquième mandat et reporte sine die la présidentielle, toujours sans effet. Les revendications ont alors évolué. Les manifestants veulent désormais le changement de tout le système.
« Dégagez tous », scande la rue qui voit peu à peu le clan présidentiel se fissurer.
Le 26 mars, le chef de l’état-major propose qu’Abdelaziz Bouteflika soit déclaré inapte ou qu’il démissionne. Ce sera finalement la démission, avant le 28 avril prochain.