[ Tribune ] « Parler wolof en public : un acte militant pour Ousmane Sonko »

Le dernier discours du Président Macky Sall, tenu le 11 mai 2020, informant les Sénégalais de la décision de l’Etat de les laisser « vivre avec le virus » a naturellement suscité beaucoup de réactions de la part des acteurs politiques, socio-économiques et religieux.

Du leader politique au père de famille quelconque, en passant par les opérateurs économiques et les acteurs du secteur informel, le discours « déconfinant » du Président Macky Sall n’a laissé personne indifférent.
Cependant, de toutes les réactions enregistrées, celle du Président de PASTEF, Ousmane Sonko, reste, encore une fois, celle qui a le plus marqué les esprits mais également les cœurs.

Comme il est de coutume, à chacune de ses sorties, les prolongations vont se jouer instantanément.
C’est en soi une bonne chose car cela participe de la vitalité du jeu politique et nourrit le débat, indispensable dans toute démocratie.

Ainsi, au-delà du verbiage souvent frénétique, voire tendancieux et épidermique, par presse interposée, au point de noyer le fond des questions soulevées, il importe de placer le curseur sur la quintessence des sorties du leader de PASTEF et, surtout, sur ce qui va dans le sens des intérêts des citoyens largement éprouvés, au plan économique, social et psychologique, par cette pandémie.

Le parents d’élèves sont désemparés et habités par le doute, le dilemme même, cherchant désespérément la bonne option entre laisser leur progéniture errer dans les rues et la renvoyer dans les écoles. Les enseignants sont parqués dans les gares routières puis embarqués dans des bus avant d’être convoyés comme des badauds vers leur lieu de service.

Par ce traitement, ceux qui jadis étaient admirés, respectés et choyés par l’ensemble de la société, sont accueillis comme des sujets à risques, colporteurs de la COVID 19. Et ce n’est pas encore la fin d’un processus qui s’est déclenché depuis quelques décennies sur les soldats du savoir assaillis par un déferlement d’humiliation de la part d’une bonne frange de la population.

Le peuple sénégalais, confiné dans la faim et la précarité, attend désespérément le riz de Diop Sy, annoncé en grande pompe, qui traîne toujours quelque part dans l’inconnu. De toute façon, ce peuple, habitué aux fourberies et à la désillusion, ne nourrit aucun espoir d’être servi dans la justice, l’équité et la transparence, autrement dit sans souci d’appartenance politique ou socioprofessionnelle.

Voilà le contexte dans lequel le président Ousmane Sonko a tenu un discours, qui ne fait que confirmer ses craintes (celles de plusieurs compatriotes) distinctement exprimées de voir l’argent glané çà et là dilapidé dans des dépenses de prestige.

Les faits lui ont donné malheureusement raison. Hélas ! La preuve, entre autres, la crise déclenchée dès les premières heures de la mise en place du comité de suivi du fonds force COVID19, ayant conduit à la démission de Monsieur Habib Sy.

Parmi les réactions suscitées par la dernière sortie du président Sonko, celle relative à la question des langues nationales fut particulièrement vive de la part d’une certaine catégorie de la population, auteure ou victime de la manipulation politicienne, dont le but sous-jacent est d’agir sur la conscience des populations sensibles afin de leur faire croire que PASTEF est venu pour mettre la langue nationale wolof au-dessus des autres.

Ce qui est loin de la vérité !

Revenons sur les faits.

Pour comprendre un discours, il faut toujours le ramener dans son contexte, dans un cadre global et non en détacher une partie pour l’analyser comme une entité indépendante.

Après avoir fini de parler en wolof, un journaliste interpelle Sonko pour lui demander de faire une version en français. Celui-ci répond qu’il n’a pas prévu une version française car il s’adresse aux Sénégalais qui, dans leur écrasante majorité, ne comprennent pas la langue officielle du pays. Il opte donc pour s’exprimer dans la langue wolof, celle qui lui permet d’atteindre le maximum de Sénégalais, eu égard au statut de lingua franca que cette langue occupe au Sénégal.

Le but de la communication étant de se faire comprendre ; par conséquent, quoi de plus normal d’utiliser la langue nationale comprise par la majorité des concitoyens.

Cette position salutaire s’inscrit en droite ligne du projet de PASTEF, qui, à son tour s’inspire des visions de nos modèles que sont Cheikh Anta Diop, Mamadou Dia dont le siège de PASTEF porte le nom (Keur Maodo) et Thomas Sankara.

La référence à ces trois géants de l’histoire politique du Sénégal et de l’Afrique n’est ni présomptueuse ni fortuite ; elle constitue un élément indicateur pour comprendre l’esprit et la lettre PASTEF qui prône le Patriotisme, le Travail, l’Ethique et la Fraternité dans la gestion des affaires publiques. Le Patriotisme, condition sine qua non de la réussite de cette vision, qui en est aussi le socle, se retrouve à tous les niveaux : économique, social, politique et culturel, etc.

L’aspect culturel est le point d’orgue, la charpente, le pilier sur lequel s’adosse le Patriotisme.

Tous les peuples développés ont valorisé leur culture, leur civilisation car, comme le dit Cheikh Anta Diop : « une civilisation qui choisit de fermer les yeux à ses problèmes les plus cruciaux est une civilisation atteinte ».

C’est ce que l’Etat soviétique avait compris en misant sur le cinéma, comme moyen d’enseignement et de propagande.

Ainsi, en 1919, un décret de nationalisation du cinéma russe avait été signé. Il s’agissait aussi de refuser le modèle hollywoodien, représentant l’hégémonie culturelle de l’Amérique.

La France, à l’instar de l’Italie, l’Allemagne et l’Angleterre, a connu la renaissance, la période classique et le siècle des lumières, avant d’atteindre la révolution industrielle au XIXe siècle.

Aujourd’hui, si la Chine est respectée, c’est grâce à son niveau de développement qui s’appuie sur un important fond culturel jalousement conservé. D’ailleurs, le mandarin, la langue chinoise est l’une des plus étudiées dans le monde.

En Afrique, Thomas Sankara a fait la même chose en promouvant le Faso Dan Fani, une manière de poser à la fois un acte économique, culturel, politique, révolutionnaire et anti-impérialiste. Ses ailes ont été très tôt brisées mais ce pagne reste encore au centre de la vie culturelle du Burkina Faso et demeure un important symbole. Aujourd’hui, Paul Kagamé, le président rwandais est en train de réussir une ambition similaire.

C’est dans cette perspective qu’il convient d’inscrire le
programme de PASTEF qui est en réalité une révolution culturelle.

Celle-ci a comme vocation de représenter une identité bien sénégalaise et africaine. Cette identité éminemment culturelle, civilisationnelle, est symbolisée par la priorité accordée à nos langues nationales (Sonko a bien dit NOS LANGUES) dans notre communication interne et externe.

Quant à en déduire qu’il s’agit de mettre le wolof au-dessus des autres langues du pays, cela relève de la pure intoxication. Le PASTE serait inconséquent en prônant la mort d’une seule langue du pays, en tant que parti politique qui a comme vocation la protection de notre patrimoine culturel, linguistique et historique.
D’ailleurs, au cours de ladite intervention du président Ousmane Sonko, il n’est nullement question d’opposer le wolof aux autres langues nationales car il s’agit bien d’un refus d’agréer à une demande de traduction de son discours en français.

Par cette réaction, il repose le débat sur nos rapports avec le français, la langue du colonisateur, celle du dominateur que les élites africaines utilisent pour s’adresser à une population majoritairement analphabète, dans le sens où elles n’ont pas fréquenté l’école française ou n’y ont pas passé suffisamment de temps pour comprendre la langue de Molière.

Pour rappel, le PASTEF est l’un des rares partis politiques au Sénégal à traduire systématiquement ses annonces dans les langues nationales, en faisant intervenir des ressources internes du parti qui sont de tous bords.

D’ailleurs, ce n’est pas par hasard qu’après la dernière élection présidentielle, la coalition Jotna, a remercié les Sénégalais dans quasiment toutes les langues du pays.

Actuellement, notre pays en compte environ trente, si l’on tient considère certaines particularités. Ce n’est pas beaucoup, contrairement à plusieurs pays africains comme la Côte d’Ivoire, le Nigéria, le Cameroun, etc.

Après la codification du wolof, du sérer, du pular, du mandingue, du soninké et du diola, les six premières langues nationales, la constitution de 2001 a érigé à ce rang, toute langue désormais codifiée.
Ainsi, en 2004, vingt-deux langues ont été codifiées et, actuellement, il en reste très peu.

Toujours est-il que le débat sur les langues nationales n’est pas posé par le président Ousmane Sonko. Orienter son intervention dans ce sens relève de la pure manipulation et d’une volonté malsaine de trouver un prétexte pour décrédibiliser un adversaire politique coriace.

Les Sénégalais n’ont jamais cédé à ces pratiques malsaines et ce n’est pas maintenant que ce sera le cas.

Ce que PASTEF a l’intention de faire, c’est de renforcer les politiques linguistiques visant à valoriser les langues et les cultures locales, en mettant en œuvre toute la volonté politique nécessaire (qui manque toujours) afin que les travaux pertinents en cours de réalisation au niveau des instances académiques (laboratoires de langues, académie des langues nationales,…) soient achevés et appliqués dans le respect de la diversité et du pluralisme linguistique qui constitue un signe de richesse, de vitalité et de créativité des peuples qui composent un pays et non une source de division et d’instabilité, conséquence d’une graine empoisonnée savamment plantée en Afrique dans le but unique de dresser Africains les uns contre les autres afin d’ouvrir la voie au pillage des ressources naturelles de ce continent.

En définitive, nous pouvons dire que l’acte posé par le président Ousmane Sonko n’est ni plus ni moins que l’affirmation d’un combat pour la souveraineté linguistique, celle de choisir quelle (s)langue (s) parler et qui est aussi valable que celle monétaire. En posant la problématique du choix de la langue de communication, le leader de PASTEF ne fait que s’inscrire dans la logique du combat politique des patriotes qui, de ce point de vue, s’inspire des idéaux de Cheikh Anta Diop qui a toujours dénoncé le complexe linguistique sidérant qui anime notre élite et surtout nos hommes politiques, qui se ridiculisent en s’adressant aux populations dans une langue qu’elles ignorent complètement.

Ce choix n’exclut nullement la diversité qui est même encouragée. Il ne s’agit même pas de « tuer » le français qui déjà, fait partie de notre histoire.
Il est simplement question de revoir nos rapports avec cette langue léguée par le colonisateur, surtout du statut de nos langues locales dans le système éducatif et dans notre communication quotidienne.

Amadou SOW
Mouvement national des Cadres patriotes
(MONCAP)
Ecole du Parti
PASTEF

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