Le nouveau président du Burundi, Évariste Ndayishimiye, un cacique du parti au pouvoir qui a prêté serment ce jeudi 18 juin, paraît plus conciliant que son mentor défunt, le président Pierre Nkurunziza, même s’il s’est placé d’emblée dans son sillage.
Jeudi, dans le stade Ingoma de Gitega, la capitale administrative du pays, il a été investi et a rendu un hommage appuyé à son prédécesseur, dont le décès soudain le 8 juin officiellement d’un “arrêt cardiaque” a précipité le début du mandat de M. Ndayishimiye, initialement prévu en août.
“Neva”, son surnom, est présenté par son parti le CNDD–FDD comme l’héritier du président Nkurunziza, qui a dirigé le pays pendant 15 ans. L’un et l’autre faisaient partie de la rébellion hutu qui accéda au pouvoir à l’issue de la guerre civile (1993-2006).
Désigné candidat en janvier, M. Ndayishimiye, 52 ans, est l’un des hommes clés du système qui a verrouillé le pays depuis la crise de 2015. La réélection de M. Nkurunziza à un troisième mandat controversé avait alors débouché sur des violences politiques qui ont fait au moins 1.200 morts et se poursuivent.
En tant que secrétaire général du parti au pouvoir, depuis 2016, M. Ndayishimiye a plutôt prôné la tolérance politique et ne paraît pas avoir été directement impliqué dans des violations des droits de l’homme. Mais il n’a pas empêché non plus les abus, commis notamment par les Imbonerakure, la ligue de jeunesse du CNDD–FDD.
Sa désignation a été le résultat d’un compromis entre le président Nkurunziza et le petit groupe de généraux issus de l’ancienne rébellion hutu qui contrôlaient avec lui tous les leviers du pouvoir, selon une étude publiée récemment par l’Initiative pour les droits humains au Burundi.
Réticence des généraux ?
Le chef de l’État sortant avait semble-t-il porté son choix sur un civil, Pascal Nyabenda, le président de l’Assemblée nationale mais il avait dû céder face à ces généraux déterminés à ce qu’un militaire reste au sommet du pouvoir.
La disparition de M. Nkurunziza, qui devait rester très influent, pourrait donner à M. Ndayishimiye une plus grande liberté de manœuvre. Mais les observateurs se demandent s’il aura la capacité de s‘émanciper face à ce groupe de généraux dont il ne fait pas partie.
S’il cherche à réformer, “il risque de se heurter à des obstacles, à des réticences de la part de ces généraux qui ont intérêt à se protéger”, prévoit Carina Tertsakian, de l’Initiative pour les droits humains au Burundi.
M. Ndayishimiye venait d’entrer à l’université du Burundi lorsque la guerre civile éclata en 1993. Il était en deuxième année de droit quand fut perpétré le massacre de dizaines d‘étudiants hutu par des extrémistes tutsi en 1995, un épisode dont il réchappa par miracle et qui le convainquit de prendre les armes.
Il fut le principal négociateur du CNDD–FDD lors de la signature en 2003 de l’accord de cessez-le-feu de la guerre civile, qui fit au moins 300.000 morts, et occupa ensuite plusieurs postes de haut niveau au sein du gouvernement, s’affirmant alors comme un homme de consensus.
“Réputation d’ouverture”
Plusieurs témoins l’ayant côtoyé depuis cette époque et interrogés par l’Initiative brossent le portrait de quelqu’un de simple, plutôt tolérant, peu corrompu, mais aussi d’une personnalité manquant de caractère et plus encline à suivre un chef qu‘à diriger.
“C’est un homme plutôt ouvert, d’abord facile, qui aime blaguer et rire avec ses amis”, confirme un de ses amis à l’AFP, sous couvert de l’anonymat. “Mais contrairement à Nkurunziza, qui (était) un animal à sang froid et très sobre (…), Évariste Ndayishimiye est plutôt colérique, s’emporte très facilement au risque de s’enflammer”.
“Il a une réputation d’ouverture et d’honnêteté contrairement aux autres généraux”, décrypte pour l’AFP un diplomate fin connaisseur des arcanes du pouvoir burundais. “C‘était le meilleur choix, mais il aura fort à faire pour impulser le changement et l’ouverture à l’opposition dans un parti dominé par un courant extrémiste et sectaire”.
M. Ndayishimiye est un fervent croyant et pratiquant, de confession catholique. Cela pourrait aider le pouvoir à renouer avec l’Église catholique, qui n’a pas mâché ses mots à l‘égard de la dérive observée depuis 2015.
Son profil plutôt modéré pourrait aussi lui valoir une certaine bienveillance de la communauté internationale et l’aider à briser un peu l’isolement du pays, même s’il a dénoncé les ingérences extérieures dans son discours d’investiture.
Tract (avec médias)