Ailleurs, les citoyens ont fini par démasquer la complicité gauche-droite, dissimulée sous le terme alternance! Au Sénégal, c’est une autre forme de complicité, une union nationale d’intellectuels contre les déshérités, pire encore, c’est une conspiration symbolique, métaphorique, langagière, ambiante… C’est une coalition entre toutes les formations politiques et idéologiques, contre le peuple. L’élite se ligue contre « le bas peuple », et ce depuis des années. Il suffit de sortir de la capitale, et de certaines grandes villes qui se « bunkerisent », pour constater l’écart, le gouffre entre cette oligarchie et le reste du peuple. Ou voir la représentativité des pauvres (cultivateurs, commerçants, chauffeurs, villageois) dans les instances de décision pour comprendre l’arnaque. Tout ce que Sonko n’évoque pas dans ses critiques ! Soit il n’a pas compris, soit il ne daigne pas comprendre ! Le problème c’est la représentativité. C’est le système tel qu’il est constitué ! Il faut remettre en cause de façon générale le système oligarchique. Une rupture profonde !
L’illusion de la démocratie
Il y a une seule opposition, celle des intellectuels réunis dans des partis, des nantis nichés dans la haute administration et les affaires, bref la petite cour contre les déshérités. A plusieurs reprises, j’ai démontré comment ils perpétuent le statu quo, comment se fabrique le consentement et j’y reviendrai encore et toujours ! C’est une obsession chez moi ! Mais aussi une réalité palpable !
Pauvres, déshérités, habitants des quartiers pauvres, villageois, « banlieusards », habitants des ghettos, et des taudis de la même classe sociale, nos dénominateurs communs sont la misère, la maladie, l’impuissance politique et le désespoir.
Ce n’est pas juste une histoire de quartier ou de région, car parfois il peut y avoir une petite mixité. Mais plutôt une histoire de conception de la vie, d’objectifs, par conséquent de classe sociale, et de maintien de la domination de l’une sur l’autre. Ils ont réussi à nous avoir, à nous manipuler. Parfois par une utilisation abusive de la langue, une transformation du langage, ils créent l’illusion, le flou, la confusion, les élections, la division. Et ils continuent de régner.
Ils ont inventé une histoire « d’égalité des chances » ! Ils pêchent au sein des classes populaires pour faire croire que c’est possible pour toutes les personnes quelle que soit leur situation sociale. Mais si l’on observe et scrute bien, combien de personnes habitant ces secondes zones ont réussi tout court, ou ont réussi dans leur études : une sur dix, et pourtant elles se sont sacrifiées. Quel est le pourcentage parmi les cultivateurs, les marchands ambulants, les chauffeurs de taxi, à avoir ces baraques somptueuses et arrogantes ? Combien de personnes parmi ceux que je viens de citer, peuvent prétendre aux postes de ministres, président, premier ministre ? Ou peuvent se lancer dans une entreprise et réussir ? Une sur des milliers… Et pourtant elles constituent au moins 85 % de la population.
Ils aiment bien faire du storytelling, en racontant une histoire, d’un Macky, d’un Idrissa Seck, ou d’un Niasse, qui seraient nés dans des familles pauvres, et qui, à force de persévérance, seraient devenus ce qu’ils sont ! Quel beau conte de fées !
L’arnaque, c’est « l’égalité et la chance » sur une même phrase
Soit c’est l’égalité, soit c’est la chance, pas les deux ! « Il est appréciable que le peuple de cette nation ne comprenne rien au système bancaire et monétaire, car si tel était le cas, je pense que nous serions confrontés à une révolution avant demain matin » (Henry Ford). Il en est de même pour notre système ! Un vrai théâtre, dans lequel ce sont nous les déshérités qui sommes les marionnettes.
Ils sont une minorité : citadins, nantis, valets de l’occident. Leur seul légitimé est d’avoir été à l’école du blanc! Par la suite ils ont mythifié et mystifié celle-ci en la rendant élitiste, préparant le terrain à leurs descendants. Inutile de te dire que ce sont encore leurs fils qui vont nous diriger!
Leur seule légitimité est le fait de parler une langue étrangère, par réflexe et habitude. Leur intelligence se caractérise par une soi-disant maîtrise de la langue étrangère et des diplômes émanant de cette école. Nés dans des atmosphères privilégiées, ils bénéficient de certains avantages, d’un capital social, culturel, et symbolique, d’une avance sur ce qu’on pourrait appeler la modernité. Aujourd’hui, ils privilégient les écoles privées, parce qu’ils ont négligé l’école publique, parce que celle-ci est devenue trop populaire pour eux.
A tous ces jeunes du même prisme culturel et social, j’ai envie de dire que ce n’est pas une histoire de parti politique, que c’est une histoire de classe sociale! Si tu arrives à trouver un travail, c’est le plus mal payé.
Comment t’expliquer l’arnaque ?
« Vivons sans nous laisser tirer par ces chiens !», comme le dit Henry D. Thoreau.
Si Macky et Idrissa Seck parlent le même langage, ce n’est pas étonnant. Si dans le gouvernement de Macky, il y a eu Tanor et Niasse, et aujourd’hui Idrissa Seck, tout est dit, le prêche du vendredi aussi.
Ce ne sont pas leurs enfants qui se font « buter » dans les manifestations d’étudiants !
Je vais peut-être paraître un peu ringard et démodé, mais j’ai envie de vous dire, comme du temps des prolétaires, et des luttes de classes : « Pauvres et déshérités du Sénégal unissons-nous !».
Ce ne sont ni leurs journalistes-griots, ni leurs « nouveaux chiens de gardes » (…) qui font semblant de critiquer, ni leurs marabouts corrompus, qui vont nous défendre ou faire la révolution ! Leurs journaux sont remplis de comptes rendus de procès, de nouvelles futiles et de faits divers qui font diversion, comme le dit Bourdieu. Ils n’informent pas et ne sont que des distractions insignifiantes, de dangereuses pertes de temps! Et leurs religieux corrompus n’enseignent que la résignation et l’acceptation du Sénégal tel qu’il est, avec ses inégalités, ses injustices, et ses absurdités.
Babacar Beuz Diédhiou
accueilli sur Tract