ET DIT TÔT – (Tract) – L’ex ministre nigérien de l’Intérieur nigérien Mohamed Bazoum est parti pour être le successeur du président sortant Mahamadou Issoufou, pour l’élection président du 27 décembre à laquelle ce dernier ne se présente pas, après deux mandats. Bazoum a été libéré de ses fonctions ministérielles spécialement pour lui permettre de se consacrer à la mère des batailles. Mais, comme l’a écrit Jeune Afrique dès 2018, Bazoum « ne manque ni d’atouts ni d’opposants ». Ses postes ministériels lui ont permis d’avoir la haute main sur l’administration et de se constituer un solide réseau à l’étranger, dont Issoufou a bénéficié. Cinq fois député de Tesker (au nord-est de Zinder), ministre des Affaires étrangères puis de l’Intérieur, il a construit et mené sa carrière avec un pragmatisme rectiligne. On lui dénie cependant toute base électorale sérieuse, la sienne étant jugée très faible en raison de son appartenance communautaire.
En effet, Mohamed Bazoum est issu de la tribu arabe des Ouled Slimane, établie surtout dans le sud de la Libye, le nord du Tchad et le nord-est du Niger, pays donc où elle est ultraminoritaire. Une partie de la classe politique nigérienne et des bruissements dans l’opinion publique accusent le dauphin désigné du président sortant Issoufou d’être un …Lybien. Et alors ? L’essentiel est qu’il est né au Niger. En 1960 plus précisément à Bilabrine, près de Diffa, à la frontière avec le Tchad. Puis, Mohamed Bazoum a grandi à 200 km de là, à Tesker, et obtenu son baccalauréat à Zinder, au lycée Amadou-Kouran-Daga. Au total, Bazoum est un fils du Niger. Et dans nos pays d’Afrique subsaharienne, le droit du sol doit prévaloir sur le droit du sang. Nous avons le droit d’avoir nos Obama. Si le fils d’un Kenyan a pu devenir président des USA au seul motif (le plus petit de ses atouts d’ailleurs) qu’il est né sur le sol américain, alors Bazoum a le droit de postuler à la fonction suprême de son pays de naissance. Sa victoire éventuelle sera toutefois entachée par l’éviction de la course présidentielle du principal opposant du pays: Hama Amadou, 70 ans, dont la candidature a été invalidée par la Cour constitutionnelle, sans que le motif en soit donné, mais qui devrait être liée à son casier judiciaire d’ex-prisonnier suite à sa condamnation dans une affaire de moeurs. Bazoum, un Obama Africain? Le parallèle est tentant, mais il est dommage que si le candidat ultraminoriaire (ethniquement) du pari présidentiel PNDS gagne le 27 décembre, ce ne soit pas totalement à la régulière. « Même si j’étais né en Australie en 1960, il est constant qu’en 1966, j’ai été inscrit dans une école nigérienne et je suis devenu nigérien d’origine. C’est ce que dit le droit », martèle Bazoum d’une voix tranquille, , droit dans ses bottes, interviewé ce vendredi 18 décembre sur une radio internationale. Et il a bien raison: comme l’écrit joliment l’écrivaine Fatou Diome, « nos gènes ne sont pas des chaînes ».
Ousseynou Nar Gueye
Éditorialiste, fondateur de Tract.sn