Sentract – À la Une: foule en liesse à Abidjan pour le retour de Gbagbo. À commencer par celle proche du PDCI, l’ancien parti unique, et c’est à se demander si cette presse-là n’est pas, ce matin, encore plus enthousiaste que celle proche de Laurent Gbagbo. Laquelle, on s’en doute, pavoise, tandis que celle proche du président Ouattara s’indigne, comme on va le voir tantôt, indique la « radio mondiale »
« Foule, foule, foule pour accueillir Gbagbo, hier », lance ainsi la Une du journal Le Bélier. D’une photo de Une illustrant la liesse populaire au passage du cortège de Laurent Gbagbo, ce confrère salue son retour après : « 10 années d’exil forcé ».
Également proche du PDCI, Le Bélier, encore, mais cette fois-ci Le Bélier Intrépide, signale, sur une photo de marée humaine en délire, que Laurent Gbagbo a été « accueilli triomphalement par le peuple », et rapporte en Une le message de bienvenue du président Bédié, président du PDCI : « Akwaba au pays, Laurent ! ».
Le mot « foule », donc, en Une, mais aussi le mot « peuple » à la Une de L’Héritage. « Le peuple accueille son héros ! », lance ce journal « pédéciste », en notant que Laurent Gbagbo « pleure sa mère, son frère Sangaré et les autres disparus du FPI ».
Indignation de la presse proche du président Ouattara. Parce que le retour de Laurent Gbagbo ne s’est pas déroulé comme prévu, et notamment, parce qu’à son arrivée à Abidjan, l’ex-président n’est pas passé par le pavillon présidentiel à l’aéroport, où l’attendaient des personnalités :
Pour comprendre cette indignation, détour d’abord par la Une du quotidien indépendant L’Inter. Lequel souligne que le pavillon présidentiel avait été : « Offert par Ouattara ».
Alors ? Alors, ce quotidien proche parmi les proches du président Ouattara qu’est Le Patriote lance en Une cette expression : « Oh honte ! »… Pour ce confrère, pas de doute, l’ex-chef de l’État est rentré « le couteau entre les dents » !
Va-t-en-guerre, Gbagbo ? Ce n’est manifestement pas ce qu’a retenu le quotidien gouvernemental Fraternité Matin, à la Une duquel Laurent Gbagbo, tout sourire, déclare qu’il est « heureux de retrouver la Côte d’Ivoire et l’Afrique », et ce même si « comme il fallait s’y attendre, il y a eu des affrontements entre ses partisans et les forces de l’ordre », pointe encore Frat Mat.
Mais alors, « Pourquoi Gbagbo a refusé le pavillon présidentiel » ? Pour une « raison simple », explique ce quotidien proche de Laurent Gbagbo qu’est le journal Le Temps : parce que ce dernier a été « informé que ses partisans (étaient) gazés et pourchassés par les forces de l’ordre (…) Alors, pour le respect de ses militants et des Ivoiriens sortis nombreux pour le célébrer, il (a) refus(é) l’honneur du pavillon » présidentiel.
De quoi inspirer à ce quotidien peu suspect d’hostilité au pouvoir ivoirien qu’est L’Intelligent d’Abidjan cette formule en forme de soupir : « Gbagbo reste Gbagbo ».
Retour enfiévré, ce que ne manque pas de souligner la presse sous-régionale :
Au Burkina Faso voisin, le quotidien Wakat Sera remarque que pour le « soldat » Gbagbo, ce fut tout sauf (je cite) le retour « en catimini que certains voulaient imposer à ses partisans ».
Son confrère Le Pays note que, « comme s’il prenait sa revanche sur l’histoire, Gbagbo signe son retour au bercail au moment où l’ex-président français, Nicolas Sarkozy, connu pour avoir soutenu son adversaire Alassane Dramane Ouattara, a maille à partir avec la Justice ».
Franck Hermann Ekra ne dit guère autre chose à Mediapart. Ce cadre du PDCIdit à ce journal français en ligne que le retour de Laurent Gbagbo « montre l’échec des acteurs internationaux à contrôler l’agenda judiciaire et la fabrique de l’opinion. Un proverbe de nos contrées nous enseigne que l’on n’arrête pas les vagues de la mer avec ses bras… », déclare à Mediapart cet ancien conseiller principal adjoint à la Commission dialogue vérité réconciliation en Côte d’Ivoire.
Comme le formule dans Le Figaro une source qui connaît bien ces deux hommes, « Ouattara et Gbagbo sont là tous les deux. La finale qui ne se termine jamais se rejoue une fois encore »…
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