Sentract- Ecrivaine et réalisatrice, Karine Silla est née à Dakar en 1965 et vit à Paris. Venue au Sénégal pour procéder à la cérémonie de présentation de son livre « Aline et les Hommes de Guerre », elle était l’invitée de l’Association de Écrivains du Sénégal. Le quotidien le Témoin a échangé avec l’épouse du réalisateur français Luc Besson.
Quel effet cela vous fait de vous retrouver au Sénégal pour présenter votre livre ?
Je suis écrivaine, et du coup, on a le droit de parler d’émotion déjà. Dès que je mets les pieds au Sénégal, je suis envahie par l’émotion et je suis extrêmement honorée par l’accueil du public par rapport à mon livre. Je veux juste citer le ministre de la Culture et toutes les personnes présentes, ici à la maison des Écrivains et particulièrement de M. Lo, le Directeur du Livre et de la Lecture…
Pourquoi avez-vous choisi d’écrire sur Aline Sitoe Diatta ?
Parce que je pense que la jeunesse a besoin de se reconnecter avec ses valeurs identitaires. Aline Sitoe Diatta a fait des choses importantes au moment de l’administration coloniale et surtout le message qu’elle a envoyé. C’est de retourner à ses traditions, retourner à son identité. Donc tous ces jeunes, qui sont en mal d’identité et qui quittent les côtes africaines pour aller vers un eldorado qui n’existe plus, ont devant eux un vrai exemple à suivre.
Combien de temps vous a pris la rédaction de ce livre ?
La rédaction du livre m’a pris trois ans à raison de huit à dix heures par jour et surtout de longues, longues années de réflexion sur le sujet d’une époque très sensible…
Peut-on dire que le personnage s’est imposé à vous ?
En fait, le personnage s’est imposé. Quand on tombe sur le portait de cette femme, on est interpellé par la force et la puissance et la liberté. Ensuite, je me dis que c’était quand même en 1940. Le Sénégal était sous emprise du régime colonial. La France vient de perdre la Guerre et elle a mis un genou à terre. On compte sur l’Empire colonial pour se relever. Et en ce moment- là, cette jeune femme de dix- neuf ans, sacrée reine de la Casamance, décide de monter son peuple pour qu’il se défendre contre l’oppression coloniale.
Parlez-nous de votre avis un peu tranché sur le métissage et de vos rapports privilégiés avec votre père ?
J’aime toujours rappeler cette phrase de mon père qui m’a dit que : « le métissage n’existe pas et on choisit sa culture ». Pour moi, bien évidemment, c’était, sans aucun doute, la culture sénégalaise. Je suis née ici et j’y viens depuis tout le temps. J’ai un père qui m’a énormément épaulée dans toute l’histoire du pays et de la tradition. En tant que fille de professeur de sociologie, homme africain très engagé, j’ai grandi avec cette histoire et les différentes tribus africaines. L’identité africaine est très, très forte. Quand la colonisation s’est mise en place, on a absolument fait fi de toutes ces tribus qui avaient des organisations sociales extrêmement précises.
Aline sert- elle de lien à cette double culture qui est la vôtre ?
Je trouve beaucoup de choses merveilleuses dans la double culture. J’ai une mère Blanche, Française catholique et un père Noir, musulman sénégalais. Ce qui est merveilleux dans la double culture, c’est qu’on est dans un poste d’observation. Moi, j’ai voulu comprendre et je suis allée à la source à l’origine pour comprendre quand sont arrivés les premiers portugais en Casamance et j’aime cette posture d’observatrice. Ce n’était pas une critique contre le colonialisme. En réalité, je m’insurge contre l’oppression en général. Et pour cela, j’ai une admiration immense pour des héroïnes comme Aline Sitoe Diatta.
Vous l’avez évoqué tantôt. Quel appel lancez-vous à ces jeunes qui prennent des embarcations en quête d’un hypothétique Eldorado ?
A tous ces jeunes, je vais leur dire que le paradis est en nous-mêmes. Il n’existe pas de paradis au-delà de nous-mêmes. Il faut savoir qu’il y a une blessure de l’identité dans le peuple Noir. Il y a des siècles et des siècles, on leur a dit que c’est un peuple inférieur. Il y a une sorte d’oppression de la civilisation occidentale sur ce peuple. Quand je vois ces jeunes partir encore avec l’espoir de cet Eldorado, il y a quelque chose qui m’attriste profondément