Tract – Monsieur le Président de la République,
Je vous écris en tant que citoyen concerné par les récents événements qui ont secoué notre nation. En m’inclinant pieusement devant leur mémoire, alors même que nous enterrons nos morts, arrachés brutalement à l’affection des leurs, je souhaite vous rappeler que les émeutes ont ciblé, de façon indistincte, les femmes et les hommes de ce pays, de toutes conditions et de tous âges. Les sociétés qui évoluent au Sénégal ont aussi fait les frais des hordes de bandits. Les forces de défense et de sécurité ainsi que leurs installations, ont subi le contrecoup de ces attaques. Les services publics vitaux ont aussi essuyé de vaines mais réelles tentatives de mettre notre projet de société à terre. Les conséquences en sont tragiques pour notre pays. Les pertes en vies humaines et les atteintes aux biens publics, quoique maîtrisées par les forces de e l’ordre de façon professionnelle, sont un douloureux rappel de l’importance de la stabilité, de la sécurité et de la paix pour notre bien-être collectif en tant que nation.
Nous vivons des temps difficiles et comprenons la nécessité qui est la vôtre de prendre des mesures fermes pour rétablir l’ordre public. Il est impératif, cependant, que ces mesures soient proportionnées, justes et respectueuses des droits de l’homme.
En premier lieu, je souhaite souligner l’importance de la transparence des forces de l’ordre dans cette période critique. Il est essentiel que des efforts soient déployés, de façon plus systématique pour assurer une communication ouverte avec la population. En expliquant clairement les actions entreprises pour gérer la situation, vous contribuerez à créer un climat de confiance et de solidarité entre le gouvernement, les forces de défense et de sécurité, et le peuple.
De plus, afin d’apaiser les tensions et de résoudre les conflits sous-jacents qui ont conduit à ces émeutes, il est indispensable d’engager un dialogue ouvert avec toutes les parties prenantes. La médiation peut jouer un rôle bénéfique dans le processus de réconciliation, impliquez la société civile, celle qui ne s’est pas déconsidérée, en prenant fait et cause pour l’une ou l’autre des parties; les chefs religieux de toutes les religions, les leaders d’opinion ainsi que les citoyens qui, nous le savons, sont l’objet de vos constantes attentions.
Je me permets, toutefois, d’attirer votre attention, sur l’importance de la justice et de la responsabilité, sur la perception de nos compatriotes, en cette période critique. C’est la raison pour laquelle, il est essentiel que tous les responsables des violences, quel que soit leur statut ou leur affiliation, soient traduits en justice. Il est primordial d’établir les responsabilités exactes de chacun et de tous, afin de prévenir la récidive de tels actes qui ont tant coûté à la communauté nationale et à l’image de notre pays. La confiance du public en nos institutions en dépend en ces temps particuliers où elle suspectée, à tort, d’être votre bras armé en dépit de son souci de l’équité et de la transparence dans ces procédures judiciaires.
Enfin, des efforts de réhabilitation et de reconstruction doivent être entrepris pour aider à la reprise économique et à la réconciliation communautaire. L’université, haut lieu de la construction citoyenne et manifestation la plus achevée de l’efficacité de l’ascenseur social, doit bénéficier de la priorité de vos soins. Il faut refaire la bibliothèque de façon urgente. Quoi qu’il en coûte ! tout comme il est important d’adresser les causes profondes des émeutes afin d’éviter une récurrence de la violence. Cela nécessite un engagement en faveur des laissés-pour-compte, des exclus et de ceux qui ont échappé aux rayons de votre politique de filets sociaux. Ce sont eux les premières victimes des aventuriers qui mettent en danger le pacte social et économique. Ramenez-les à la République en mettant l’accent sur l’égalité des chances et l’inclusion de tous les membres de notre société.
Je me permets d’attirer votre attention sur Ziguinchor, dont je suis citoyen, les dégâts importants que les récents événements, avant leur survenance à Dakar, ont laissé en termes de stigmates dans le coeur et les murs de ceux qui, nombreux en Casamance, vous sont reconnaissants pour les soins et les peines qui ont transformé le visage de la région et que nous vous devons. La reconstruction de Ziguinchor ne peut pas attendre ! Je laisse à la discrétion des hommes et femmes politiques de la région, de plus en plus nombreux me dit-on, qui travaillent quotidiennement pour votre régime, vous indiquer les priorités du plan Marshall que nous appelons de nos vœux pour Ziguinchor la belle, la ville éternelle.
Je vous exhorte à prendre en considération ces recommandations lors de l’élaboration de votre réponse à l’insurrection actuelle car seule une réponse équilibrée, transparente et axée sur la justice sociale nous permettra de parvenir à une paix durable et à une société plus juste.
Maurice Coulibaly,
Citoyen sénégalais de Ziguinchor.