Au total, le Khalife général n’a pas interdit le vote mais a décidé d’éloigner les bureaux de vote à la périphérie de Touba. C’est déjà ça de gagné pour notre électionnite incurable.
[ÉDITO, ET DIT TÔT] Touba bannit les bureaux de vote. Mais, reste garant de la République? (Par Ousseynou Nar Gueye)
Tract – Serigne Touba, aka Serigne Mountakha Bassirou Mbacké, a expulsé en cette fin de semaine tous les bureaux de vote du périmètre de la ville sainte et ceinte de Touba. Touba, qui reste un titre foncier privé, appartenant à la famille maraboutique Mbacké. Est-ce la fin de la République à Touba? Et au Sénégal? Je ne le pense pas.
Le statut singulier de la capitale du mouridisme doit se perpétuer pour que prospère la République séculière du (reste du) Sénégal. Touba bénéficie d’un statut d’extra-territorialité, comme le Vatican du Pape François dans la bonne ville de Rome. Nous le lui reconnaissons, simples Sénégalais, ou talibés mourides. Touba doit rester pareille pour que rien ne change. Et c’est parce que Touba se met en dehors du jeu politique des élections, qu’elle peut encore plus et mieux être au dessus de la mêlée politique. Et y jouer le rôle de régulateur social et d’arbitre des élégances. La seule loi qui prévaut à Touba est le ndigël. Et la seule voix que peuvent encore entendre nos dirigeants et opposants quand ils ont perdu le nord , c’est le ndigël de Serigne Touba. Au Sénégal, pays de Kocc Barma, tout être normalement constitué, y compris les puissants, se doit d’avoir une voix qu’il écoute et à laquelle il obéit, y compris contre son plein gré et à l’encontre de ses intérêts immédiats du moment. C’est cela le génie de notre peuple ? c’est cela le secret de sa stabilité sociale? Peut-être bien que oui.
Cela peut sembler une incongruité que nous seuls Sénégalais pouvons comprendre : mais la trajectoire démocratique et la solidité de l’ancrage républicain d’un pays ne se fondent jamais ailleurs que dans sa propre histoire et dans les exigences de sa géographie propre. Tant que la paix est préservée, acceptons des apparentes entorses à la doxa republicaine. Saluons- le : pour que des élections transparentes, inclusives et équitables se tiennent partout ailleurs au Sénégal, il faudra qu’elles ne se tiennent pas à Touba-ville.
Ousseynou Nar Gueye
Fondateur de Tract