TRACT – En prélude de la fête de Tabaski, les activités économiques commencent à être orientées vers les besoins nécessaires pour le bon déroulement de la fête.
Si les producteurs de l’oignon et de pommes de terres pensent déjà à rendre leur commerce plus fructueuse dans les prochains jours, les éleveurs eux, se préparent à gagner au moins le double de leur investissement sur les moutons.
En effet, un entretien obtenu avec des éleveurs et des entrepreneurs dans les ‘opérations Tabaski’ nous a permis d’avoir une idée sur les prix qu’on va probablement trouver sur le marché. Prix que les ‘goorgorlou’ jugent déraisonnables.
Hamath Ba, originaire du village de Sinthiou Garba, situé dans le Fouta, s’ouvre à nous:
“ Présentement je n’ai pas encore fait venir mes moutons mais j’ai déjà un troupeau de plus de 100 têtes disponibles et je compte en rajouter d’autres avant la Tabaski. Maintenant quand on a des moutons, il faut les donner à manger, à boire et les soigner. Je dépense énormément actuellement et je vais encore dépenser beaucoup pour les faire venir à Dakar deux semaines avant la Tabaski. J’ai pas encore fait mon bilan pour fixer mes prix mais ce qui est sûr est que je n’ai pas un mouton qui pourra être vendu à moins de 120 voir 130.000 fcfa. On veut bien s’entraider en tant que musulmans mais si je vends mes moutons moins que ça, je ferai faillite. On fait toujours preuve de compréhension parce que les temps sont durs mais il faut aussi que les clients comprennent que les moutons et leurs alimentations ne nous tombent pas du ciel. On fait même parfois des prêts pour dérouler une ‘opération Tabaski’, c’est un investissement à risques”, a tenté de nous faire comprendre cet éleveur qui nous dit faire ce commerce de bétail depuis tout petit, sous l’ombre de son père.
Djiby Sy, éleveur de profession depuis plus d’une dizaine d’année, nous parle sans langue de bois:
“ Le prix de mes moutons ne dépend pas de ce que le gouvernement va décider. Je n’ai pas été subventionné par l’État et je n’ai reçu aucun soutien d’une autorité. Je fixe mes prix selon mes dépenses et ce qui m’arrange. Je ne travaille pas pour perdre. Ces moutons que vous voyez là, le plus petit m’a coûté plus de 200.000f et je ne peux pas calculer ce que j’ai dépensé pour leur alimentation, leur traitement pour leur santé, etc. Pour m’en sortir, je suis obligé de les vendre au double du prix que je les ai acheté et c’est très normal, c’est du business” a-t-il défendu.
Poursuivant, le quarantenaire qui nous dit aménager un grand espace derrière sa maisons pour y élever ses 9 moutons, nous renseigne :
“Je fais de l’élevage depuis 12 ans maintenant et je n’ai jamais eu le problème d’écouler mes moutons. J’ai des clients qui me sont fidèles et ils n’achètent que chez moi. Si certains trouvent mes prix élevés, mes fidèles clients les trouvent rationnels parce qu’ils savent que ça en vaut la peine. Mais le problème des Sénégalais c’est qu’ils veulent de bonnes choses mais ne veulent pas mettre le prix qu’il faut”, a-t-il conclu.
Mame Thierno Gueye, père de famille avec deux épouses, affiche ses craintes:
“ Une Tabaski n’est jamais facile pour nous chef de famille. On cesse d’avoir un sommeil profond à chaque fois que l’événement se rapproche. J’ai déjà commencé à me renseigner sur les probables prix des moutons pour voir comment m’organiser vu que je suis un ‘goorgrlou’ (ndlr: débrouillard). Mais d’après ce que j’ai vu, les moutons seront plus chers cette année que l’année précédente. Les éleveurs sont sans cœur qui ne valent pas la peine d’aider. Même si l’État leur facilite les choses, eux, ils ne vont pas nous les faciliter en retour. Au contraire, ils vont en profiter pour essayer de gagner le double des prix normaux”, s’est-il plaint.
M. Gueye, affiche son unique espoir:
« Nous attendons que l’État prenne toutes les mesures nécessaires pour mettre dans les “darales” (Ndlr: les lieux de vente des moutons) des agents de contrôle qui vont faire respecter aux éleveurs des prix raisonnables. Avoir 100.000f et ne pas pouvoir en avoir un mouton est une chose anormal. Il faut que les autorités prennent toutes les mesures nécessaires parce que s’ils nous laissent seulement avec ces éleveurs là, on va finir par aller peser de la viande au lieu d’égorger un mouton”, craint Mame Thierno.
Hadj Ludovic