Qualifiée de « bouledogue des salles d’audience », Donna Rotunno est une habituée de la défense d’hommes accusés d’agressions sexuelles. Elle est la cheffe de file des avocats d’Harvey Weinstein.
Quand on lui a proposé de représenter Harvey Weinstein, elle n’a pas tout de suite dit oui. Mais celle qui est qualifiée de “bouledogue” dans son domaine, le droit pénal, a finalement accepté de défendre celui dont la chute a lancé le mouvement #MeToo.
Ce lundi 6 janvier s’ouvre à New York le procès maintes fois repoussé d’Harvey Weinstein, accusé d’agressions sexuelles. Plus de 80 femmes, y compris des célébrités comme Gwyneth Paltrow, Angelina Jolie ou Léa Seydoux, ont accusé cet ancien magnat hollywoodien de 67 ans de les avoir harcelées ou agressées sexuellement depuis les révélations du New York Times en octobre 2017. Mais le procès ne concerne directement que deux d’entre elles, témoin de la difficulté de construire un dossier pénal sans preuve matérielle et sans témoin, autour d’allégations qui remontent souvent à plusieurs années.
Et après plusieurs défections ces derniers mois, c’est une femme qui sera la cheffe de file des avocats de la défense. Menant une équipe de cinq avocats, Donna Rotunno est celle qui va défendre le producteur hollywoodien lors de son procès.
Une femme aux côtés de celui qui est devenu le symbole du prédateur sexuel? Cela ne fait pas peur à Donna Rotunno, ex-procureure spécialisée dans la défense des hommes accusés d’agressions sexuelles. Ce qui questionnait cette avocate basée à Chicago, c’est plutôt de savoir ce qu’elle pourrait apporter dans cette affaire au producteur.
Dans une telle affaire, on peut comprendre que Harvey Weinstein, inculpé pour le viol d’une femme en 2013 et une agression sexuelle sur une autre en 2006, ait souhaité avoir un avocat de la gent féminine à ses côtés. Et Donna Rotunno, 42 ans, était clairement la femme de la situation.
À distance du mouvement #MeToo
Habituée à défendre les hommes accusés d’agressions sexuelles, cette native de Wheaton, dans l’Illinois, souligne elle-même dans une interview au Chicago Magazine de février 2018 que “pour chaque affaire de ce genre avec une célébrité, il y a de fortes chances que j’aie reçu un appel téléphonique”. Le ton est donné: lorsqu’un homme de pouvoir est dans la tourmente, c’est désormais vers elle que l’on se tourne. La spécialiste du droit pénal a d’ailleurs pleinement conscience de l’atout que représente son genre dans ce genre d’affaires. «J’ai la possibilité de faire bien plus dans une salle d’audience lors du contre-interrogatoire d’une femme que ne le ferait un homme avocat. Il peut être un excellent avocat, mais s’il s’en prend à cette femme avec le même venin que moi, il a l’air d’un tyran. Alors que si c’est moi, personne ne sourcille», avance-t-elle.
Face à une décision de cette importance pour Weinstein, si en plus l’avocate souhaitée a déjà pris ses distances avec le mouvement #MeToo, c’est encore mieux. Et en effet, au cours de cette interview, Donna Rotunno se montrait déjà sur la réserve à propos de ce mouvement de libération de la parole appelant à «croire les femmes». «Nous sommes dans une ère de condamnation par allégation, contraire à tout le principe de présomption d’innocence», regrettait-elle.
Celle qui a obtenu son diplôme au Chicago-Kent College of Law est, sans surprise, critiquée au sein même de sa profession pour sa ligne de conduite. «Comment pouvez-vous soutenir un homme qui a fait des choses aussi innommables?», lui demande-t-on régulièrement. Ce à quoi elle répond: «Tout le monde a le droit d’être défendu. Il faut vraiment croire en cette idée.»
«Un bouledogue des salles d’audience»
Donna Rotunno est décrite comme étant un «bouledogue des salles d’audience». C’est ainsi que la qualifie par exemple Stanley Stallworth, l’un de ses anciens collègues… et lui-même son client lorsqu’il a été accusé d’agression sexuelle. “Elle est extrêmement bien préparée, est une avocate de la défense agressive qui fait de son mieux chaque jour dans la salle d’audience”, décrit-il. “Elle a une idée claire des besoins des clients, pas seulement en termes de représentation légale mais aussi parce que lorsqu’un individu est impliqué dans une situation criminelle, il n’est pas lucide et a besoin de soutien émotionnel. Elle sait toujours que faire ou ne pas faire.”
Au cours du procès Weinstein, qui a changé d’avocats déjà trois fois, elle plaidera aux côtés de Damon Cheronis, l’un de ses amis et collaborateur, capable de son côté de citer un morceau de Frank Sinatra en pleine audience, rappelle le Chicago Suntimes.
Avec lui, elle semble n’avoir aucun doute quant à sa capacité à défendre Harvey Weinstein, sa 40e affaire liée à une agression sexuelle parmi lesquelles celle de son collègue avocat, le designer sénégalais Elhadji “Haj” Gueye ou encore un sportif lycéen de 17 ans. “Nous pouvons être efficaces. Nous pouvons le faire avec intégrité, je crois au travail que nous accomplissons et j’ai pris cette affaire car je crois qu’il n’y a pas de meilleurs candidats pour le faire.”
Le procès ultra-médiatisé s’est ouvert ce lundi 6 janvier à New York et Harvey Weinstein avait promis d’être présent. Il l’était.
Tract (avec Huffpost )