Zoox est une firme de technologie de San Francisco qui développe une flotte de véhicules autonomes. C’est à dire qu’ils peuvent se déplacer du point de départ à une destination, sans conducteur ni intervention humaine, et ce, en empruntant les voies de circulation ordinaires.
Voici les rappels fournis et l’analyse faite par un expert sénégalais d’origine occidentale bien introduit dans la Silicon Valley, pour Tract, sur les dessous de la toute récente vente de la startup Zoox de la Sénégalo-Américaine Aïcha Sarr Evans, à Amazon. Verbatim :
« Zoox a été fondée en 2014 par le designer Australien Tim Kentley-Klay et le docteur en génie électrique Jesse Levinson. Ce dernier est le fils de Arthur D. Levinson, qui est Président du conseil d’administration de Apple. Arthur Levinson est un poids lourd de la biotech; il a été nommé PCA de Apple en remplacement de Steve Jobs après le décès de ce dernier.
Depuis le départ, la startup a pu lever des centaines de millions de dollars en capital-risque, pour culminer à 955 millions de dollars. Les rondes initiales étaient des acquisitions de parts, puis en 2018 les recapitalisations furent structurées en “convertible debentures” (dettes convertibles en actions, à échéance).
À Silicon Valley, l’accès aux fonds de capital-risque est à 80% une affaire de copinage et il est essentiel de faire partie du sérail pour avoir accès au niveau d’investissements qui caractérise les fameuses “unicorns”. Ainsi par exemple, il n’a pas été anodin lors de la fondation de Google, que les parents de Sergei Brin et Larry Page fussent des membres de l’establishment technique et financier de Silicon Valley.
Aicha Sarr Evans était depuis 2013 en charge de la division Mobile Communications and Devices Group chez Intel, après s’être joint à la multinationale en 2006 en tant que superviseur “assurance qualité” dans le département informatique du groupe. Elle détient une licence en informatique de l’université George Washington.
Evans a été débauchée de son dernier poste chez Intel (Chief Strategy Officer) par le le consortium d’actionnaires de Zoox en janvier 2019, suite au congédiement en août 2018 par le conseil d’administration de Zoox, du fondateur, Tim Ketley-Klay. Que le CA aie eu les coudées franches pour congédier le fondateur et CEO de la compagnie, indique qu’à ce stade le contrôle de la compagnie était déjà exercé par les investisseurs et que les fondateurs étaient fortement dilués.
Jesse Levinson, PhD en génie électrique et informatique de Stanford, devait se focaliser sur le développement technologique et pour assurer la prise en main d’une compagnie évaluée à 3,2 milliards de dollars en fin 2018, il fallait trouver un CEO avec un profil de haut niveau. En convainqunt Aicha Evans de prendre les rênes de la boîte, le CA marqua un excellent coup, qui fit couler l’encre de la presse spécialisée. Nonobstant les qualités réelles de Evans, il ne faut pas sous-estimer par ailleurs l’emphase sur le volet “diversité” qui est devenu un réel programme de relations publiques à Silicon Valley dans la foulée d’une série de scandales à caractère sexiste et racial.
Au moment de l’entrée en selle de Evans, la boîte avait une valeur estimée de 3,2 millards de dollars (selon la valeur des dernières transactions privées, toutes des débentures convertibles) et ils se miren à débaucher quelques employés-clé de Tesla. Un an plus tard, la crise du Covid-19 menace de faire péricliter la riche “petite” startup de 1000 employés, et en parallèle Tesla intente une action en justice pour recel de secrets industriels visant certains de ses ex-employés débauchés par Zoox.
Evans décide de mettre à pied 10% des effectifs de la compagnie, ainsi que de trouver un repreneur, car elle sent sont champs d’action se réduire à toute vitesse. C’est chose faite en avril et une entente est conclue pour une vente à Amazon, qui ne couvre que les investisseurs initiaux et les dettes de la compagnie, soit un total de 1,2 milliards de dollars. Dans le jargon du milieu, ça s’appelle un “fire sale” : le degré où on sauve encore les meubles. Bien joué, Evans : Je suis sûr que le CA de Zoox s’est félicité de l’avoir recrutée car la négociation de cette transaction de dernière chance doit avoir été largement de son ressort.
Tout indique que les actionnaires-fondateurs ont accepté une très forte dilution et que Evans aurait probablement converti son package de stocks options de Zoox en “restricted stock units” de Amazon. Elle gagne probablement moins que ce qu’elle gagnait chez Intel en tant que faisant partie de la “C-Suite” (les “Chief” machin et chose), mais elle est désormais ancrée dans une aventure intéressante et plus mouvementée que la production de micro-contrôleurs.
Cependant, un peu de perspective : Le modèle d’affaires de Zoox, ne l’oublions pas, est de mettre au chômage les conducteurs de taxi et autres chauffeurs professionnels. On sait tous que l’obsolescence de ces petits métiers automatisables est programmée, mais la question reste entière de se demander comment les profits énormes raflés par ces “GAFA” pourraient servir à combler le manque à gagner des petits travailleurs, plutôt que de permettre à Jeff Bezos l’acquisition d’un yacht encore plus grand.
Maintenant, pour conclure, les titres qu’on a vu dans la presse Africaine, de style : “Amazon rachète à la Sénégalaise Aicha Evans” sont trompeurs, et indiquent une inculture du monde de la tech par leurs auteurs. Cela laisse penser que la non-moins méritante Aicha Sarr Evans aurait monté seule, ex-nihilo, une incroyable histoire de startup de type “unicorn” et qu’elle aurait ainsi empoché quelques centaines de millions de dollars, voire les 1,2 millards.
90% des personnes qui font des gros sous à Silicon Valley sont des banquiers… les autres 10% sont des entrepreneurs gratifiés par leur talent. Il y a tout à parier que Mrs Evans est déjà multi-millionnaire; le salaire d’une Chief Officer à San Francisco est au-dessus d’un million de dollars par an, sans compter que de nombreux frais sont pris en charge.
Ce qu’il faut admirer chez elle, c’est d’avoir réussi à percer dans un univers hyper-masculin et pas particulièrement bien encore représenté chez les Noirs. Chapeau à elle; surtout en ce qu’elle a su inspirer Intel à investir dans tous les domaines de l’automatisation mobile et embarquée; un pari gagnant qui lui a valu ses promotions successives, elle qui n’a même pas une maîtrise en poche, mais un excellent flair et certainement un entregent extraordinaire. »