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Présidentielle : Jeune Afrique se demande ce vendredi si Macky Sall réalisera le coup K.O

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Principaux rivaux hors jeu, soutien de la puissante coalition Benno Bokk Yakaar… Candidat à sa propre succession en février 2019, le président sénégalais Macky Sall voit s’ouvrir devant lui une voie royale. Mais l’opposition n’entend pas abdiquer.

Sauf coup de théâtre, ni l’un ni l’autre ne devrait avoir de bulletin à son nom dans les bureaux de vote sénégalais le 24 février prochain. Pour Karim Wade, l’affaire semble entendue. Son pourvoi en cassation pour contester sa radiation des listes électorales ayant été rejeté, le fils d’Abdoulaye Wade, candidat officiel du Parti démocratique sénégalais (PDS), ne dispose plus d’aucun recours au niveau national.

Pour Khalifa Sall, l’espoir est toujours là, mais il est mince. Bien que sa condamnation n’ait pas encore été confirmée par la Cour suprême, l’ex-maire de Dakar ne se fait guère d’illusions.

Une élection sans opposition ?

Avec la mise hors jeu de ses deux principaux concurrents, Macky Sall apparaît plus que jamais comme le grand favori de la prochaine présidentielle. Une situation inédite, qui provoque la colère de l’opposition. « Macky Sall est un homme autoritaire, qui s’est assis sur nos libertés, s’emporte El Hadj Amadou Sall, avocat d’Abdoulaye Wade et figure du PDS. Quand ses opposants deviennent des challengers trop sérieux, il les envoie en prison. Il n’y a plus de démocratie au Sénégal ! »

 La réaction des Sénégalais n’aura pas lieu dans les urnes mais dans la rue, prévient Babacar Gaye, le porte-parole PDS

Comme lui, les autres barons du premier parti d’opposition font désormais monter la pression. Si Karim Wade ne peut pas se présenter, ils assurent qu’ils empêcheront la tenue de l’élection « par tous les moyens ». Une posture radicale assumée : « La réaction des Sénégalais n’aura pas lieu dans les urnes mais dans la rue, prévient Babacar Gaye, le porte-parole du parti. On pensait que les Burkinabè n’avaient pas les moyens de faire partir Blaise Compaoré, ni les Gambiens, Yahya Jammeh. Nous ne sommes pas à l’abri d’un tel scénario au Sénégal. »

Aux rodomontades de leurs adversaires, le président et sa garde rapprochée opposent un discours légaliste bien rodé. « Le Sénégal est un État de droit, avec ses règles et ses lois qui s’appliquent à tout le monde. Il n’y a aucune chasse aux sorcières, seulement une justice indépendante qui fait son travail », martèle Aymérou Gningue, député et président du groupe parlementaire Benno Bokk Yakaar (BBY) à l’Assemblée nationale.

Il n’empêche. Cette situation suscite le malaise. Sous le couvert de l’anonymat, les diplomates occidentaux disent parfois leur gêne quant au sort réservé aux opposants. Même dans le camp de Macky Sall, certains s’interrogent. « À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire, ajoute un élu de BBY. Il est regrettable d’organiser une élection sans opposants. Certains pays ont l’habitude de faire ça. Pas le Sénégal. »

La malédiction du second tour

L’entourage de Macky Sall, lui, insiste sur le fait que le président en campagne n’aura pas de temps à perdre avec les cas personnels de Karim Wade ou de Khalifa Sall et qu’il se concentrera exclusivement sur les sujets de fond. Tous ceux qui, notamment dans la presse ou la société civile, continueront à remettre le sujet sur la table seront priés de passer à autre chose. « Nous n’allons pas nous laisser distraire. Notre priorité est de répondre aux préoccupations des Sénégalais et de travailler sur notre projet de société, pas de répondre aux faux débats », assène El Hadj Hamidou Kassé, ministre chargé de la Communication à la présidence de la République.

En avant donc, les yeux tournés vers la campagne à venir. « Rien n’est jamais gagné d’avance, prévient Mamoudou Ibra Kane, journaliste et patron du groupe de presse eMedia Invest. En matière d’élections, gare aux excès de confiance et à l’arrogance. » Après la présidentielle et les législatives de 2012, les locales de 2014, le référendum constitutionnel de 2016 et les législatives de 2017, les partisans de « Macky » sont convaincus que la présidentielle de 2019 ne peut leur échapper et que le chef de l’État s’imposera dès le premier tour, en réussissant le fameux « coup KO » d’Alassane Ouattara en Côte d’Ivoire en 2015.

Car Macky Sall le sait, et le craint, plus que quiconque : à Dakar, tous les présidents sortants contraints à un ­deuxième tour ont dû quitter le palais de la République dans la foulée : Abdou Diouf en 2000, Abdoulaye Wade en 2012… Le dirigeant-candidat veut absolument éviter un second round fatal.

Pré-campagne

Rien n’est donc laissé au hasard. Voilà plusieurs mois que Macky Sall et ses proches se sont mis au travail. Mi-2018, quatre pôles consacrés à l’élaboration du programme, à la mobilisation citoyenne pour les parrainages, au congrès d’investiture et à la communication ont été lancés pour structurer la campagne. Celle-ci a symboliquement démarré le 29 août, au Centre international de conférences Abdou-Diouf (Cicad), avec la cérémonie de lancement de la récolte des parrainages citoyens.

Salle entièrement décorée aux couleurs de BBY et à l’effigie de Sall, premiers rangs garnis de ministres et d’alliés, discours flatteurs sur le bilan du mandat qui s’achève : l’événement a rapidement viré à la démonstration de force à six mois de l’élection.

D’ici au lancement officiel de la campagne, avec le congrès d’investiture du chef de l’État à la tête de BBY prévu début décembre à Dakar, ses équipes sillonneront le pays à la recherche des précieuses signatures. Il ne fait aucun doute qu’il récoltera les quelque 52 000 parrainages nécessaires pour se présenter, mais cette précampagne présente aussi l’avantage de permettre à ses troupes de commencer à occuper le terrain. « Nous rencontrons beaucoup de gens qui nous font part de leurs préoccupations et de leurs attentes à l’égard du gouvernement », explique Aminata Touré, ancienne Première ministre chargée de conduire la récolte des parrainages.

Pour convaincre ses compatriotes de lui renouveler leur confiance, Macky Sall continuera à s’appuyer sur son Plan Sénégal émergent (PSE)

Une fois investi, le président se lancera vraiment dans ce que ses proches appellent le « combat électoral ». Avec deux idées phares : promouvoir le bilan du premier mandat et exposer son projet pour le second. Ses soutiens se montrent déjà intarissables sur les différentes réalisations accomplies depuis 2012. Taux de croissance de 6,5 % et développement des infrastructures, mais aussi montée en puissance de la Senelec, amélioration de l’accès à l’eau potable, rendements accrus dans l’agriculture…

Autant de chantiers visibles par la population, en particulier rurale, laquelle constitue l’une des cibles majeures de BBY à la présidentielle. Pour convaincre ses compatriotes de lui renouveler leur confiance, Macky Sall continuera à s’appuyer sur son Plan Sénégal émergent (PSE), sa grande matrice pour le développement économique et social du pays. Nul doute qu’il leur fera aussi miroiter les retombées prometteuses de la manne pétrolière et gazière, attendues à partir de 2021.

Selon son entourage, le président sillonnera le Sénégal dans les mois à venir comme il l’avait fait il y a sept ans. Entre 2009 et 2012, il avait parcouru des milliers de kilomètres et visité les 45 départements du pays. Son statut et son emploi du temps ont changé, mais il a l’intention de rééditer ces nombreux déplacements sur le terrain. « Il va visiter toutes les régions, souffle un de ses collaborateurs. Et ce n’est pas juste une histoire de campagne électorale : durant son mandat, il a beaucoup voyagé dans l’ensemble du territoire national, avec les Conseils des ministres délocalisés ou lors de ses tournées économiques régionales.

Ces visites présidentielles seront inévitablement l’occasion, ici et là, d’inaugurer une nouvelle route, un centre de santé, ou encore un nouvel établissement scolaire. Après l’aéroport international Blaise-Diagne (AIBD), opérationnel depuis décembre 2017, d’autres grandes infrastructures symbolisant l’émergence chère à Macky Sall sont censées sortir de terre d’ici à l’élection, comme le projet de train express régional (TER) Dakar-Diamniadio – un chantier qu’il suit de « très près », selon une source française proche du dossier – ou le futur Musée des civilisations noires, à Dakar.

Pour être réélu, le chef de l’État pourra surtout compter sur l’appui de sa coalition BBY, machine électorale bien huilée et solidement implantée dans tous les départements du pays. Si le président est aujourd’hui en bonne posture, c’est aussi parce qu’il a su maintenir et consolider cette vaste coalition formée autour de lui dans l’entre-deux tours en 2012. Il a notamment gardé l’appui de ses deux principaux alliés durant tout son mandat : Ousmane Tanor Dieng, le secrétaire général du Parti socialiste (PS), et Moustapha Niasse, le président de l’Assemblée nationale et leader de l’Alliance des forces de progrès (AFP).

Ces derniers mois, plusieurs responsables politiques sont encore venus grossir les rangs de BBY. Souleymane Ndéné Ndiaye, ancien Premier ministre d’Abdoulaye Wade, Pape Samba Mboup, son ancien chef de cabinet, Modou Diagne Fada, un de ses ex-ministres, Moussa Sy, ex-­deuxième adjoint de Khalifa Sall à la mairie de Dakar… « Il est plus facile de compter ceux qui ne sont pas venus que ceux qui nous ont rejoints », ironise un député de la majorité.

À ses futurs ou potentiels alliés, Macky Sall propose des postes ou des arrangements politiques. « Il est très persévérant, raconte l’un de ses nouveaux soutiens. Dès qu’il comprend que vous pouvez basculer dans son camp, il ne vous lâche plus : il vous appelle, vous transmet des messages, vous envoie des émissaires, vous reçoit au palais… »

En l’absence de Karim Wade et de Khalifa Sall, plusieurs outsiders vont tenter de contrarier la réélection du président. Ses proches affirment qu’il n’y a pas de « petits » ou de « gros » concurrents, mais plusieurs sont déjà surveillés de près. Le député Ousmane Sonko, nouvelle coqueluche de l’opposition, les anciens Premiers ministres Idrissa Seck et Cheikh Hadjibou Soumaré, l’ancien président de l’Assemblée nationale Pape Diop…

SEYLLOU/AFP

Sans oublier Madické Niang, fidèle d’Abdoulaye Wade qui a récemment décidé d’incarner un « plan B » à la candidature compromise de Karim Wade. L’un d’entre eux pourrait-il créer la surprise ? Il est trop tôt pour le dire, mais, si il ou elle parvient à capitaliser sur la rancœur des partisans du PDS et de Khalifa Sall, le match pourrait se révéler bien plus serré qu’annoncé.


Marième Faye Sall

L’épouse de Macky Sall est réputée influente auprès de son mari. Ses réseaux au sein de la confrérie tidjane, dont elle est une fidèle pratiquante, seront un atout supplémentaire pour le président.


Campagne 2.0

Encore plus qu’en 2012, la campagne pour la présidentielle se jouera sur internet et les réseaux sociaux. Des supports de communication incontournables, sur lesquels l’opposition est très active et critique quotidiennement le pouvoir, à l’image des Patriotes, du député Ousmane Sonko. « Nos adversaires sont souvent meilleurs que nous dans ce domaine », estime un cadre de la coalition Benno Bokk Yakaar (BBY).

Pour contrer l’influence de ses rivaux, Macky Sall a demandé à ses ministres d’y être plus actifs. Début septembre, il a également lancé le Bureau d’information gouvernementale (BIG), chargé de la communication 2.0. Au sein du pôle communication de Macky Sall, qui est supervisé par son ministre-conseiller El Hadj Hamidou Kassé, l’accent sera aussi mis sur les réseaux sociaux.

Benjamin Roger

J.A

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