Tract – Nous nous sommes entretenus avec Daria Mengert et Ronja Hollstein dans le cadre de l’atelier international « Discours de l’environnement et du climat en Afrique, Europe et Amérique Latine », organisé par l’université de Hanovre (Allemagne) dans le cadre du projet 3-INTER de l’université de Guanajuato (Mexique). Cet atelier se tiendra les 10 et 11 novembre 2023.
Vous êtes les principales organisatrices de cet atelier. Présentez-vous en quelques mots à nos lecteurs.
Je m’appelle Ronja Hollstein. Actuellement, je suis employée scientifique de l’Institut des Langues Romanes à l’Université de Hanovre, Allemagne. J’ai suivi une approche pédagogique pendant mon Bachelor, puis j’ai étudié un Master en langues romaines et un autre en Atlantic Studies-un master interdisciplinaire axé sur les liens culturels, économiques et politiques autour de l’Atlantique. Déjà là, je me suis concentrée sur l’analyse du discours politique. Actuellement, je travaille sur ma thèse de doctorat sur les discours politiques de paix et de guerre en Colombie. La thématique du climat et de l’environnement m’a longtemps intéressée ; et ce, même dans le cadre privé. Depuis quelque temps, elle se recoupe également avec ma recherche, car elle devient de plus en plus le sujet de différents débats politiques.
Je m’appelle Daria Mengert. Moi aussi, je fais partie du personnel scientifique de l’Institut des Langues Romanes à Hanovre. J’ai étudié l’ethnologie en bachelor et le master interdisciplinaire d’Études Atlantiques sur les relations culturelles et politiques entre les continents de l’Atlantique. J’ai commencé l’analyse des discours environnementaux dans mon projet de thèse de master, sur les discours politiques dans deux conflits environnementaux en Équateur et Bolivie. Actuellement, je suis en train de rédiger une thèse de doctorat sur la situation de la langue indigène sudaméricaine quechua dans la migration en Allemagne et en Angleterre.
Comment présentez-vous cet atelier ?
L’atelier que nous proposons est caractérisé par deux intérêts centraux innovateurs : Premièrement, faire avancer l’analyse des langages sur l’environnement et le climat pour mieux comprendre les discours en différentes régions du monde sur la thématique. Et deuxièmement, réaliser un dialogue plurilingue avec des scientifiques de l’Afrique et de l’Amérique latine dans un espace en commun. Alors qu’il y a beaucoup d’activités académiques allemandes sur chaque région, il y a peu d’espaces d’échange scientifique entre l’Allemagne et des pays de ces deux continents. L’atelier est essentiellement un effort pour établir la thématique de l’environnement et du grand défi du changement climatique dans la discipline de l’analyse du discours. Mais cela doit se réaliser dans une pluralité de perspectives ou bien une perspective plurielle.
Pourquoi est-il important d’organiser cet atelier sur les discours sur le climat et l’environnement en Afrique, Europe et Amérique latine ?
Dans l’actualité, en tant qu’européen(ne)s, nous aurons besoin de reconnaître que les citoyen(ne)s de l’Afrique et de l’Amérique Latine, et bien sûr aussi de l’Asie, nous confrontent avec un fait inconfortable : Les sociétés occidentales sont celles qui ont causé la majorité des émissions de CO2, de manière qu’elles ont construit leur prospérité sur le changement climatique qui affectera tout d’abord les régions plus proches de l’équateur. Dans ce sens-là, il y a un lien et une continuité entre le colonialisme et le changement climatique, et cela se prononce toujours plus fortement, par exemple pendant le Sommet africain sur le climat en Septembre 2023. Au-delà des déclarations politiques, ce contexte des crises interconnectées fait naître des quantités de discours qui peuvent se ressembler dans différentes régions du monde et être en conflit amère dans une même région. En tout cas, les discours influent sur les idées et les actions, et nous devrions faire plus d’attention (scientifique) aux langages sur le climat et l’environnement dans leur importance locale et globale. L’atelier ne peut qu’être un petit pas vers un projet scientifique plus grand et permanent. Dans le meilleur des cas, et avec une bonne communication académique, de telles contributions scientifiques peuvent avoir des effets positifs dans la conscience publique sur le climat. Mais au minimum, elles seront des éléments importants de la recherche fondamentale sur les idées et la communication environnementales dans le moment historique de crise climatique que nous vivons actuellement.
Qu’est-ce qui, au-delà de la programmation essentiellement scientifique, interculturelle et interdisciplinaire, fait la singularité de cet atelier ?
D’un côté, aucun effort scientifique n’est totalement singulier. Les activités que nous proposons sont basées sur de différentes traditions scientifiques, l’analyse du discours, les perspectives critiques sur le pouvoir et les inégalités mondiales, l’analyse des prononciations politiques sur le climat. De l’autre côté, comme l’a dit Greta Thunberg, « si tu commences maintenant à t’engager pour le climat, tu es encore parmi les pionniers ». En ce sens-là, ce n’est pas la question de réaliser une activité singulière, mais une qui aille dans la bonne direction. Il est très important d’établir la thématique du climat dans tous les discours, dans notre cas, dans les échanges académiques de la linguistique sociale. De cette façon, nous pourrons motiver nombreux de nos collègues et de nos étudiant(e)s à analyser des questions relationnées au changement climatique, et aussi motiver plus de personnes à réfléchir et à identifier leurs propres possibilités pour planter la thématique du climat dans leurs réseaux.
L’atelier s’inscrit dans le cadre du projet 3-INTER de l’Université de Guanajuato, dans lequel des personnes scientifiques internationales, interculturelles et interdisciplinaires se réunissent pour discuter sur des sujets liés aux Objectifs de Développement Durable 2030. Pouvez-vous nous en dire plus sur le projet 3-inter (sa durée, ses perspectives et ses activités à l’avenir) ?
L’Université de Guanajuato poursuit la thématique du développement durable depuis 2014. Les collègues ont réalisé un colloque international en 2014, ils ont publié un rapport et un livre au format de recueil d’articles intitulé « Caminos hacia la libertad, la paz y la inclusión » (« Chemins vers la liberté, la paix et l’inclusion ») en 2021, toujours en collaboration internationale. À partir du 2022, ils ont réalisé deux écoles d’été et des colloques, sur ce même défi du développement qui respecte la diversité culturelle et linguistique.
L’idée du projet 3-Inter est celle d’une offensive éducationnelle à cet égard, pour repenser les objectifs du développement durable présentés pour 2030 dans une perspective de la pédagogie interculturelle et inclusive. Il y aura par exemple un séminaire international d’investigation virtuel et mensuel entre les collègues du Mexique, les États-Unis, la Chili et l’Allemagne, et un espace en ligne pour consulter les contributions de chercheurs et étudiant(e)s au format vidéo et permettre l’échange démocratique au-delà des hiérarchies traditionnelles du monde académique.
Le projet actuel poursuit un horizon d’une durée d’approximative de deux années. Chaque indicateur des ODD se traitera explicitement pendant une période de plusieurs mois : 1) Les personnes, 2) la planète, 3) la prospérité, 4) la paix et 5) les alliances.
Des partenariats sont-ils possibles entre le projet 3-inter de l’Université de Guanajuato et des centres de recherche/ groupe de travail d’ailleurs, des associations et/ou des organisations locales menant des activités liées au ODD 2030 ?
Tout à fait, il y a beaucoup d’intérêt d’étendre cet espace d’apprentissage mutuel. Comme nous avons souligné, les coopérations du projet sont actuellement très fortes pour connecter l’Amérique Latine avec l’Europe et l’Amérique du Nord, mais il faudrait d’autre liens ailleurs, notamment l’Afrique, pour enrichir beaucoup plus ce réseau de coopérations. La personne à contacter dans ce cas est notre collègue Abel Hernández de l’Université de Guanajuato, abelhdz@ugto.mx.
Que direz-vous aux personnes qui disent qu’elles n’ont pas le temps de participer à cet atelier qui portera sur les discours sur le climat et l’environnement en Europe, Afrique et Amérique latine ?
Nous avons pensé que l’atelier doit être le plus inclusif possible, de manière qu’il y aura un live stream en direct. Il restera accessible sur YouTube sous le lien partagé sur le site-web de l’atelier (https://www.romanistik.uni-hannover.de/de/climate-discourse). De cette manière, il sera possible de s’informer des échanges d’idées pendant l’atelier, même si les personnes en question n’ont pas l’opportunité d’assister directement, que ce soit pour les obligations de travail, de la famille ou pour d’autres raisons.
En plus, il y aura une publication des contributions de l’atelier dans un numéro thématique de la Revue scientifique ELiEs, Estudios de Lingüística del Español. Ce numéro thématique sur les discours de l’environnement et du climat sera trilingue et international, aussi bien que l’atelier. Il sera publié en décembre 2024 au format open source, c’est-à-dire publiquement accessible sur le site web de la Revue, https://bop.unibe.ch/index.php/elies.
L’objectif c’est d’encourager l’analyse scientifique des discours sur l’environnement et le climat. C’est pour cela que nous ferons un « Call for Papers », un appel à contributions après l’atelier pour inclure, nous espérons, aussi les travaux d’autres chercheurs dans le numéro thématique de décembre 2024. Du coup, ceux qui ont une telle contribution à faire, un article scientifique sur les discours de l’environnement et du climat au niveau local, national ou international, peuvent nous écrire directement sous les courriels : mengert@romanistik.phil.uni-hannover.de et hollstein@romanistik.phil.uni-hannover.de.
Au-delà de cet atelier, pensez-vous que la mise sur pieds d’un groupe de travail et/ou d’un groupe d’investigation « Discours sur le climat et l’environnement en Afrique, Europe et Amérique latine » réussissant ces personnes scientifiques interculturelles et interdisciplinaires soit importante pour mener des études ciblées et plus concrètes sur le terrain ?
Tout à fait, c’est pour cela que nous sommes très reconnaissantes de l’opportunité d’éditer le numéro thématique de la Revue ELiEs traitant les discours de l’environnement et du climat. Nous y voyons aussi l’opportunité de rester en contact comme scientifiques et créer l’attention pour ce projet qui nous permettra, nous espérons, de poursuivre d’une manière plus permanente cette entreprise scientifique. En ce sens-là, établir un groupe de recherche devient une perspective très réelle que nous voudrions bien soutenir et faire avancer.
Nous apprécions beaucoup l’intérêt pour notre atelier, la collaboration avec nos collègues de différents pays et la perspective d’encourager un échange scientifique utile et inspirant.
Propos recueillis par Baltazar Atangana/ Correspondant