(Tract^)- Ils ont parlé de leur homosexualité pour la première fois face caméra. Six sportifs français de haut niveau ont fait leur coming out médiatique dans le documentaire «Faut qu’on parle» diffusé samedi soir sur Canal +. Qui sont-ils?
« «Penses-tu qu’j’suis responsable. Penses-tu qu’tu sors du tas…». Derrière un piano à queue installé au beau milieu d’un terrain rugby, Eddy de Pretto donne le la dès les premières secondes du documentaire «Faut qu’on parle», diffusé samedi soir sur Canal +. En guise de prélude aux témoignages qui vont suivre, le rappeur, qui a fait son coming out médiatique en 2017, livre dans la pénombre une version piano-voix de son titre «?Normal?».Ces témoignages, ce sont ceux de la basketteuse Céline Dumerc, le nageur Jérémy Stravius, l’escrimeuse Astrid Guyart, le rugbyman Jérémy Clamy-Edroux, le patineur artistique Kévin Aymoz et la judokate Amandine Buchard qui brisent à l’unisson le tabou de l’homosexualité dans leurs milieux sportifs respectifs.
La basketteuse Céline Dumerc
Céline Dumerc a toujours voulu faire la part des choses entre le terrain, le basket et sa vie privée. Parce qu’elle «ne disait jamais rien», ses coéquipières basketteuses la voyaient comme une éternelle célibataire. «Depuis ma relation avec Pauline, je le dis en la présentant parce qu’elle est avec moi», explique la meneuse de 38 ans qui évolue au Basket Landes depuis 2016. À l’occasion de son coming out médiatique, la détentrice du record de sélections avec les Bleues s’affiche sans complexe avec sa compagne sur une plage de Bayonne. Céline Dumerc raconte avoir annoncé son homosexualité à ses parents en leur écrivant une lettre.
Dans le milieu sportif, certains moments ont été compliqués à vivre. «Des filles avaient peur de prendre la douche avec nous», regrette la championne qui rappelle que sa spécialité «c’est de marquer des paniers, ce n’est pas ce que je fais chez moi dans ma chambre à coucher». Et selon elle, même s’il est important de briser les tabous de l’homosexualité dans le sport, «il ne faut pas libérer la parole à tout prix, ça peut être destructeur si ce n’est pas fait au bon moment»
Le nageur Jérémy Stravius
Jérémy Stravius avait peur que ça change ses relations dans le milieu de la natation. «Si demain je l’avoue, est-ce que les relations au sein de l’équipe de France seront bonnes», se questionnait le premier champion du monde de l’histoire de la natation française du 100 mètres dos. Dans ce sport où les athlètes passent leur temps en maillot de bain, le champion olympique de 32 ans craignait qu’on lui prête des fausses intentions: «j’imaginais que certaines personnes allaient se dire, on est dans le vestiaire, il est en train de me mater».
En couple depuis 8 ans, Jérémy Stravius se dit fier aujourd’hui de pouvoir présenter son petit ami José et leurs trois chiens face caméra. «On a le droit de rêver d’être accepté comme on est», lance-t-il tel un slogan même s’il reconnaît que «le chemin ne fait que commencer».
L’escrimeuse Astrid Guyart
Astrid Guyart sentait qu’elle devait le faire. Pas forcément pour elle, «?mais peut-être pour d’autres athlètes qui pourraient se poser des questions», explique la championne d’escrime qui interpelle sur la complexité de se révéler «quand ça fait dix ans qu’on entend des blagues homophobes et qu’on en rigole avec les autres». La fleurettiste parisienne dénonce également «la pression d’un vestiaire avec des gens qui se questionnent sur leur sexualité», les fausses «rumeurs» et «l’homophobie ordinaire» qui l’ont profondément touché tout au long de sa carrière.
Astrid Guyart a laissé les caméras de Canal + s’introduire dans son appartement parisien où elle vit avec sa compagne Julie qui, dit-elle, lui a «appris qu’on peut être heureux dans la vie». Les dernières personnes avec qui l’escrimeuse olympique a fait son coming out, ce sont ses parents. «Il faut se sentir prêt», souligne-t-elle rappelant que dans ce documentaire «on parle plutôt de belle chose, on parle d’amour».
Le rugbyman Jérémy Clamy-Edroux
Lorsqu’il se douche dans les vestiaires de rugby, Jérémy Clamy-Edroux regarde le plafond ou se tourne contre le mur. Même s’il ne cache pas son homosexualité auprès de ses coéquipiers, le pilier du Rouen Normandie Rugby reconnaît se «mettre des barrières pour que rien ne soit mal interprété». Et puis il y a ses phrases d’avant-match pour se motiver, telles que «on va les enculer ces pédés», qu’il a dû «malheureusement accepter».
Jérémy Clamy-Edroux manie aussi bien le ballon ovale que l’autodérision. Quand le coach sort lors d’une séance de musculation «allez on n’est pas des pédés», le rugbyman de 30 ans n’hésite pas à répondre «moi si je le suis». Selon lui, le milieu du rugby n’a rien d’homophobe et il est composé, au contraire, «d’hommes intelligents et ouverts d’esprit». Le plus gros blocage, c’est son père, avec qui il n’a toujours pas fait son coming out. «Je vais lui dire de venir à la maison et on regardera l’émission», annonce Jérémy Clamy-Edroux dont le regard rieur se voile de larmes. «Je veux faire comprendre aux gens que c’est notre intimité et tant qu’on est heureux c’est le principal», poursuit-il.
Le patineur artistique Kevin Aymoz
Kevin Aymoz a très mal vécu son adolescence. «Je me levais le matin et je me disais oh la je suis gay. Ça hantait mes journées», confie à la caméra d’Arnaud Bonnin et Lyes Houhou le quadruple champion de France de patinage artistique. Déscolarisé à deux reprises parce qu’il ne «supportait plus le regard des autres», il a entendu «tous les noms d’oiseaux» à son sujet dont notamment «le patinage artistique c’est un sport de tapette».
C’est au travers de ce sport que Kevin Aymoz a trouvé une oreille attentive. «La première personne dans le milieu à qui j’en ai parlé, c’est ma coach», raconte-t-il. En témoignant publiquement, l’athlète sait qu’il fait «quelque chose de bien en essayant de libérer la parole, peu importent les critiques» mais il ne veut pas pour autant «être assimilé juste à ça… Kevin l’homosexuel du patinage artistique». À 23 ans, le Grenoblois disputera ses premiers Jeux Olympiques, l’an prochain, à Pékin.
La judokate Amandine Buchard
Pendant longtemps, Amandine Buchard a préféré mentir et dire qu’elle avait «?un copain?». La judokate tricolore de 25 ans est la seule championne du documentaire à avoir révélé son homosexualité publiquement voilà bientôt trois ans. À l’époque, elle avait choisi les colonnes du journal Le Parisien pour faire son coming out médiatique.
Quelques mois auparavant, elle l’avait annoncé à sa mère avec qui elle n’est plus en contact depuis. Mais la championne d’Europe s’est accrochée au tatami en se classant aujourd’hui numéro 1 mondiale de la catégorie des -52 kg. «Je suis bien dans ma vie, je suis bien dans mon sport, je suis en accord avec moi-même», affirme Amandine Buchard qui encourage «les personnes qui se cachent, à vivre leur vie».
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