TRACT – Juchée sur la pointe Nord de l’île, la grande mosquée de Saint-Louis dont l’édification suscita plusieurs remous, est la seule au monde à disposer d’une cloche et d’un cadran d’horloge.
La ville de Saint-Louis conserve de très nombreuses maisons, typiques de l’époque coloniale, avec leur façade de chaux, leur double toiture en tuile, leur balcon en bois et leur balustrade en fer forgé.
Quartier nord de Saint-Louis, au sud de l’avenue Jean Mermoz, la grande mosquée tendue de beige intrique. Remarquable par ses deux minarets carrés au dessus d’un toit de tuiles à double pente, elle a cette curiosité de posséder une cloche dans le minaret de gauche. Autrefois reliée à l’horloge de la mosquée, cette cloche, encore visible de nos jours, carillonnait pour annoncer les heures de prière.
Ce fait pour le moins insolite, s’explique selon la tradition orale, par l’opposition farouche de la communauté des mulâtres de la ville à l’édification de la mosquée. Elle ne cédera qu’après avoir posé deux conditions : la construction de la mosquée en dehors de la ville et l’installation d’une cloche pour annoncer les heures de prières. Ce, pour bannir les appels du muezzin. « Faux ! », rétorque Serigne Amadou Dieng.
Pour ce doyen de 84 ans, imam des 5 prières (comprenez les 5 prières de la journée), cette version est totalement erronée. Trouvé dans la chambre qui lui sert de refuge dans l’enceinte de la mosquée, le vieil homme cloué au lit par une sévère maladie, tente une esquisse d’explication dans une voix saccadée.
Dans un ensemble wax bariolé, les jambes implacablement soudées au sol par une paralysie récente, la voix pâteuse et hachée, le grabataire qui capitalise 75 ans d’existence au sein de la mosquée, confie : « Je fais partie des murs de cette mosquée pour y avoir fait toutes mes humanités. J’étudiais le Coran ici avec mon père. Cette cloche ne carillonnait pas pour annoncer les heures de prière. Elle sonnait plutôt pour donner l’heure. Pour la prière, le muezzin appelait les fidèles par le « nodd » (appel à la prière du muezzin). Il est vrai que du temps de la colonisation, les manifestations étaient interdites entre 12 h et 14 h, mais l’appel à la prière se faisait toujours via le muezzin. »
À quelle version se fier ? Seul le colon, absent le plus présent aujourd’hui dans la vieille ville, peut en témoigner. Si la présence de la cloche nourrit toutes les polémiques, l’édification de la mosquée, elle, réussit à faire l’unanimité. Même si la version orale s’oppose, à un paragraphe près, à celle plus scientifiquement historique.
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